Live report – Ben Harper, l’anachorète
Vincent Deroussent

Minuit, c’est l’heure des douze coups où toutes sorcelleries et autres phénomènes peuvent arriver. Sur la presqu’île du Malsaucy à Belfort, des milliers de fidèles attendent, un guide, un ermite de passage. Cet anachorète parle un langage spirituel universel, celui qui atteint directement l’âme des gens. La musique est là.
Dans le monde entier, il se fait appeler Ben Harper. Ben est le diminutif de Benjamin qui signifiait dans des rites ancestraux, « fils de la main droite ». Tel un prédicateur en voyage, il se fait accompagner par sa bande d’« Innocent Criminals ». Sur scène ces mercenaires précédent le leader pour éveiller les foules. A 0h10 il arrive, enfin. Tout le monde l’attend tel le messie. Dès les premiers accords joués, la foule est en liesse. Pour accompagner cette euphorie, Ben Harper plaide la cause de l’homme dans son chant divin au nom de Jah - Jah work is never done. Cet appel introduit un exode musical d’une heure vingt.

Dans un halo de lumière rouge et or, une nouvelle prière débute. Elle parle d’une flore divine, "Bleed". Et c’est assis, que Ben Harper continue à ensorceler le public. Grâce à son instrument griffé Weissenborn, des sons d’autres temps surgissent. Les cordes de la guitares sont frottées, sciées, martelées. Cette incantation réveille les profondeurs d’une technique à même la corde. "Bleed" se finira la main levée telle une bénédiction accordée à l’assemblée. Ces compagnons se révèlent être des musiciens aussi redoutables qu’essentiels.

En communion, larsens et percussions se fondent l’un après l’autre. Ses voyageurs échus n’hésitent pas à échauffer la matière de leurs instruments. Derrière son piano droit c’est à même les cordes qu’un mercenaire s’exécute. Le public exulte, encore et encore devant cet élan salvateur lancé par un solo de guitare en slide joué pendant 10 minutes par Ben Harper.
Le set se clôt par le très éclectique "With My Own Two Hands", du reggae à la funk en passant par le rock, l’union fait la force. Parmi les proverbes évocateurs dans ce rite musicale, le plus représentatif est l’habit ne fait pas le moine. Ne devais-je pas commencer par là ? Vêtu tel un ermite solitaire, habillé d’un bandeau de montagnard et d’une chemise grise à carreaux, Ben Harper recèle une sensibilité au delà de tout apparat.

Article, Vincent DEROUSSENT - Photos, Marion LE HETET